Gould et Lewontin, des exemples... à ne pas suivre - psycho évo 3/7

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https://www.youtube.com/watch?v=e6rpsI_vW40

Sintesi

TLDRLa vidéo critique Steven Jay Gould et Richard Lewontin, scientifiques renommés, pour avoir systématiquement mêlé science et politique dans leurs travaux, en particulier dans leur critique des approches évolutionnaires du comportement humain. Malgré leur influence et leur statut académique, ces chercheurs sont décrits comme ayant souvent caricaturé de manière délibérée les approches évolutionnistes pour des raisons politiques. L'accent est mis sur la manière dont leurs critiques n'étaient pas purement scientifiques mais plutôt motivées par des peurs sociopolitiques, notamment celles relatives à l'utilisation potentielle de la biologie pour justifier des idéologies conservatrices. La vidéo souligne également l'impact négatif que leurs comportements ont eu sur la perception et le développement de la biologie du comportement, les accusant de propager des idées biaisées et malhonnêtes faisant obstacle à une compréhension plus équilibrée et empirique du rôle de la biologie dans le comportement humain.

Punti di forza

  • 🎓 Steven Jay Gould et Richard Lewontin étaient des figures influentes à Harvard mais controversées pour leurs critiques de la sociobiologie.
  • ⚖️ Leurs critiques étaient souvent considérées comme politiquement motivées plutôt que purement scientifiques.
  • 📚 Gould a fait des écrits de vulgarisation qui ont popularisé des opinions controversées en biologie de l'évolution.
  • ⁉️ Leur fameux article sur les "spandrels" a reçu des critiques mixtes, étant parfois qualifié de non-original et caricatural.
  • 🔬 La biologie du comportement a longtemps été perçue à travers le prisme de leurs critiques, influençant la perception publique et académique.
  • 🗣️ Lewontin reconnaissait ouvertement l'influence de ses opinions politiques sur sa science, adoptant une vision marxiste dans son approche.
  • 📢 Leur discours mêlait souvent science et idéologie, cherchant à limiter l'impact des perspectives biologiques sur le comportement humain.
  • 🤔 Leurs méthodes et motivations ont alimenté un débat plus large sur la collision entre science et politique.
  • 📖 Les idées de Gould et ses publications médiatiques ont laissé un impact considérable sur la perception populaire des sciences de l'évolution.
  • 🔍 Les critiques soulignent qu'une réévaluation équilibrée et empirique des approches évolutionnistes est nécessaire dans les sciences sociales.

Linea temporale

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    Dans cette vidéo, l'auteur analyse les critiques des approches évolutionnaires du comportement humain, illustrées par les exemples de chercheurs influents mais controversés, Steven Jay Gould et Richard Lewontin. Il annonce vouloir démontrer pourquoi ces deux figures respectées de l'université d'Harvard représentent, selon lui, le pire en matière de comportement scientifique.

  • 00:05:00 - 00:10:00

    L'auteur revient sur l'histoire des approches évolutionnaires depuis les années 60-70, marquées par la sociobiologie et les critiques politiques qu'elles ont suscitées. En raison du contexte post-Seconde Guerre mondiale et des mouvements sociaux, une explication culturelle ou environnementale du comportement humain était dominante, et toute affirmation génétique était soupçonnée.

  • 00:10:00 - 00:15:00

    Il est souligné que les critiques des recherches génétiques étaient souvent motivées par des préoccupations politiques plutôt que scientifiques. Le contexte des années 60-70 favorisait l'environnementalisme pour des raisons de progrès social. L'auteur décrit comment ces débats étaient influencés par les préoccupations politiques de l'époque.

  • 00:15:00 - 00:20:00

    Gould et Lewontin, bien que scientifiques respectés, sont accusés par l'auteur d'avoir utilisé leurs positions pour mêler science et politique, ce qui a contribué à la critique injuste de la sociobiologie. Leur article sur les spandrels de San Marco est analysé, révélant des défauts méthodologiques et une rhétorique controversée, plus politique que scientifique.

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    L'auteur explore plus en profondeur les motivations politiques sous-jacentes derrière les œuvres de Gould, notamment son insistance à minimiser le rôle de la sélection naturelle et à défendre des idées évolutionnaires restrictives. Cette position est perçue comme guidée par un désir de justice sociale et une vision politique particulière plutôt que par la science.

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    Richard Lewontin est également critiqué pour avoir laissé ses convictions marxistes influencer ses recherches scientifiques. L'auteur propose que cette imbrication de politique et de science a conduit à des conclusions biaisées. Lewontin est décrit comme voyant la science principalement comme un outil de maintien du pouvoir politique et social des dominants.

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    L'auteur conteste la pertinence des critiques adressées aux sciences du comportement, arguant qu'elles sont davantage politiques que scientifiques. Il reproche à des figures comme Lewontin de politiser les débats en caricaturant les approches évolutionnaires, et d'ignorer leur mérité scientifique par déni idéologique.

  • 00:35:00 - 00:51:05

    Enfin, il est suggéré que les approches de Gould et Lewontin ont durablement influencé la perception négative des sciences évolutionnaires dans les sciences sociales. Leur politisation de la science est vue comme une stratégie pour discréditer les disciplines qui ne correspondent pas à leur vision, impactant défavorablement la rigueur scientifique et le débat objectif.

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Video Domande e Risposte

  • Qui étaient Steven Jay Gould et Richard Lewontin ?

    Steven Jay Gould était professeur en paléoanthropologie et Richard Lewontin était spécialiste de génétique des populations, tous deux à Harvard, et connus pour leurs critiques de la socio-biologie et de la psychologie évolutionnaire.

  • Quel est l'objet principal de la critique de la vidéo envers Gould et Lewontin ?

    La vidéo critique Gould et Lewontin pour avoir mélangé science et politique dans leurs critiques des approches évolutionnaires, parfois au détriment de la rigueur scientifique.

  • Comment Gould et Lewontin ont-ils influencé le débat sur les approches évolutionnaires ?

    Ils ont critiqué ces approches de manière parfois caricaturale et politisée, influençant ainsi la perception académique et publique de ces domaines.

  • Comment la politique a-t-elle influencé les travaux de Gould et Lewontin ?

    Leurs critiques des méthodes évolutionnaires étaient souvent motivées par des préoccupations politiques, cherchant à limiter l'impact des explications biologiques sur le comportement humain.

  • Quelles étaient les principales préoccupations politiques liées aux critiques de Gould et Lewontin ?

    Leurs préoccupations incluaient la peur que les explications biologiques du comportement humain servent à justifier le statu quo social ou des idéologies conservatrices.

  • Quels exemples de comportements controversés de Gould ont été mentionnés ?

    Gould est accusé de déformer les travaux d'autres scientifiques, de véhiculer des idées marginales et d'exposer ces idées dans des livres grand public sans mentionner leur caractère controversé.

  • Quel était le point de vue de Lewontin sur l'interaction entre science et politique ?

    Lewontin croyait que la science était souvent influencée par des intérêts politiques et qu'elle servait à maintenir le statu quo social.

  • Quelle a été la réaction de la communauté scientifique à l'article de Gould et Lewontin sur les "spandrels" ?

    Bien que souvent cité, l'article a été critiqué pour sa rhétorique et son manque d'originalité, n'apportant rien de nouveau par rapport aux connaissances de l'époque.

  • Comment Gould a-t-il contribué à la diffusion de certaines idées dans le public ?

    Par ses livres de vulgarisation qui ont popularisé ses idées, même si ces idées étaient controversées au sein de la communauté scientifique.

  • À quelles critiques Gould et Lewontin font-ils face concernant l'objectivité de leurs recherches ?

    Ils sont souvent accusés de laisser leurs positions politiques affecter leur objectivité scientifique, particulièrement dans leur opposition aux théories évolutionnistes.

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    Steven Jay Gould et Richard lewontin. Steven Jay  Gould et Richard lewontin sont des chercheurs
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    ayant exercé entre les années 70 et 2000 à la  prestigieuse université d'harvard aux États-Unis.
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    Le premier professeur en paléoanthropologie, le  second spécialiste de génétique des populations.
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    Ce sont des chercheurs très réputés, en  particulier en sciences humaines et sociales,
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    où ils sont systématiquement cités comme référence  dans tous les débats sur la pertinence des
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    approches évolutionnaires du comportement humain.  Certains de leurs articles ont d’ailleurs été
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    cités des milliers de fois, et même en-dehors du  monde universitaire, certains de leurs livres de
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    vulgarisation se sont vendus à plusieurs centaines  de milliers d'exemplairesbc:ck:Gould1980. Des
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    références, donc. Des pointures. Des  personnages dignes de confiance et
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    peut-être même d’admiration. Hé bien dans cette  vidéo, je vais vous expliquer pourquoi je les
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    considère personnellement comme ce qui se fait  de pire en matière de comportement scientifique.
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    Oui oui, de pire. Sans exagération. [générique]
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    Cette vidéo s’inscrit dans le cadre  d’une série analysant les critiques des
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    approches évolutionnaires du comportement  humain. Pour vous remettre dans le bain,
  • 00:01:15
    dans l’épisode précédent, on vu que ces approches  n’ont pas arrêté d’être déformées, caricaturées,
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    que leur succès empirique a été complètement passé  sous silence, que leurs limites méthodologiques
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    normales ont été érigées en défaillances majeures  et qu’on leur a appliqué un niveau d’exigence
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    épistémologique bien plus important qu’à n’importe  quelle science. Dans cette nouvelle vidéo,
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    les exemples de Gould et Lewontin vont  nous permettre de répondre à la question du
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    pourquoi. Pourquoi ce traitement de faveur ? Il existe plusieurs raisons pour lesquelles la
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    psycho évo et la biologie du comportement  en général sont injustement critiquées,
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    mais dans cette section je vais me  concentrer sur la principale d’entre elles,
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    qui est, roulement de tambour, surprise,  incroyable révélation, la politique.
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    Car en effet, les recherches en psycho  évo ne s’effectuent pas dans le vide,
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    elles s’inscrivent toujours dans un contexte,  et un contexte politique en particulier.
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    Et ce contexte politique, c’est avant tout, pour  ces recherches qui ont débuté dans les années
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    60-70, l’après seconde guerre mondiale. Alors dans  les années 60-70 yavait pas encore la psycho évo,
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    mais il y avait déjà son ancêtre la sociobiologie.  Et même si ces disciplines ne sont pas exactement
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    les mêmes d’un point de vue scientifique, je vous  expliquais pourquoi dans cette vidéo [miniature
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    determinisme], les débats politiques qu’elles  ont suscités sont exactement les mêmes, donc je
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    vais faire ici comme si c’était la même chose. Et donc, la sociobiologie voulait parler de gènes
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    et de comportement humain dans les années  60-70, mais vouloir faire ça juste après
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    la seconde guerre mondiale, c’est comme vouloir  faire un barbecue sur les restes encore fumants
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    d’un super-incendie : peu importe la dangerosité  réelle de l’activité, il est certain que vous
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    allez attirer l’attention. Comme le raconte la sociologue
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    Ullica Segerstrale : « À cette époque, une explication environnementale
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    ou culturelle du comportement humain était tenue  pour évidente, ou était du moins la position
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    officielle dans le monde universitaire. Dans un  tel climat, n’importe quelle affirmation d’une
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    nature humaine basée sur des gènes serait de façon  compréhensible associée à de trop bien connues
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    utilisations antérieures de la biologie à des fins  politiques peu ragoûtantes : le darwinisme social,
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    l’eugénisme, les lois sur la stérilisation,  et, comme les critiques le clamaient,
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    le génocide nazi[35]. » L’historien Elazar Barkan
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    partage le même avis : « Toute explication héréditaire
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    de capacités ou caractéristiques sociales ou  culturelles était susceptible d’être taxée de
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    raciste. Le naturalisme et le réductionnisme  biologique étaient de façon générale vus
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    avec suspicion [...][36]. » Le psychologue Irving Gottesman
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    écrit que ses premières recherches en  génétique du comportement furent
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    « rejetées par les éditeurs comme une  tentative anachronique de ressusciter
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    les batailles défuntes sur la nature et  la culture des années 20 et 30[37]. »
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    La psychologue Sandra Scarr déclare que son « intérêt pour la possibilité de différences
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    comportementales d’origine génétique  commença quand, à l’université,
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    on lui apprit qu’il n’y en avait pas[38]. » Enfin, comme le dit avec humour le biologiste
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    Robert Sapolsky : « Pendant ma jeunesse
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    intellectuelle dans les années 70, coincée entre  les périodes géologiques des pantalons à pattes
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    d’éléphants et des costumes blancs à la John  Travolta, se trouvait la période glaciaire du
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    les-gènes-n’ont-rien-à-voir-avec-le-comportement[39]. »
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    Et au-delà de la seconde guerre mondiale, le  contexte social de cette époque était aussi
  • 00:05:01
    important. Les années 60-70 voient se développer  de grands mouvements pour la justice sociale,
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    comme le mouvement pour les droits civiques aux  Etats-Unis, ou la 2e vague de féminisme. Or, comme
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    on l’a vu dans cette vidéo [miniature gauche] et  comme je vous en parle dans mon dernier livre[40],
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    certaines personnes pensent que les recherches  en biologie du comportement menacent le progrès
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    social [livre politique]. C’est pour ça que les  explications qui font la part belle non pas aux
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    gènes mais à la culture, à l’éducation  ou aux environnements de façon générale,
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    ce qu’on appelle l’« environnementalisme » ou  le « socio-constructivisme », sont favorisées
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    par beaucoup de progressistes. Comme l’avait déjà remarqué le
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    biologiste Theodosius Dobzhansky en 1962 : « Si [...] vous pensez que les gens devraient
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    être égaux, alors il est pratique d’avancer que  les différences entre eux sont accidentelles et
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    triviales. Une notion tentante est alors de penser  que l’enfant est à la naissance une page blanche
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    remplie plus tard par l’environnement,  l’éducation, la chance ou la malchance.
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    Les gens de gauche sont des  environnementalistes de prédilection[41]. »
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    Sans oublier ce communiqué déjà mentionné  que sont obligés de publier des chercheurs
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    en 1972 pour dénoncer, je cite, la « répression, censure, punition et
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    diffamation dirigées envers des scientifiques  qui insistent sur le rôle de l’hérédité dans le
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    comportement humain. [...] À l’heure actuelle,  dans le monde universitaire, c’est pratiquement
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    une hérésie d’exprimer une vue héréditaire,  ou de recommander de continuer à étudier les
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    bases biologiques du comportement[42]. » Ce ne sont pas des petits mots, « hérésie »,
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    « répression », « censure », ça vous montre  l’ambiance de l’époque. Si l’environnementalisme
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    et le socio-constructivisme sont  encore bien présents aujourd’hui,
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    vous les avez sûrement déjà croisés à l’université  ou dans les médias, je pense qu’on ne se rend pas
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    compte d’à quel point ils étaient bien plus  puissants et même hégémoniques dans les années
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    50-60-70. Les historiens disent généralement  qu’il y a eu un tournant dans les années 90,
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    quand la biologie du comportement est devenue  mieux acceptée notamment grâce à de gros projets
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    comme le séquençage du génome humain[43, 36].  Mais c’était pas du tout la même chose dans les
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    années 70. Tous les chercheurs qui ont connu  cette époque vous diront à quel point c’était
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    dur de mettre les mots gène et comportement, ou  évolution et comportement dans la même phrase.
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    Et c’est dans ce contexte historique doublement  sensible, à cause du souvenir récent de la guerre
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    et du développement des mouvements pour la  justice sociale, dans ce contexte marqué par
  • 00:07:34
    la main-mise de l’environnementalisme sur les  explications du comportement, que débarque dans
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    le paysage scientifique la sociobiologie, pour  donner lieu à une des plus grandes batailles
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    politico-scientifiques du XXe siècle[35]. Quelques mois après la sortie du
  • 00:07:57
    bc:ck:Wilson1975livre Sociobiologie  écrit par Edward Wilson en 1975,
  • 00:08:02
    un groupe d’universitaires publie dans les  journaux une tribune l’accusant de, je cite,
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    « rejoindre la longue parade des déterministes  biologiques dont le travail a servi à
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    maintenir en place les institutions de la  société en s’exonérant de responsabilité
  • 00:08:17
    pour les problèmes sociaux[44]. » Le livre de Wilson est accusé de faire la
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    promotion d’une science qui serait à relier aux « lois anti-immigration », « campagnes de
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    stérilisation » et « politiques eugénistes  ayant conduit à l’établissement des
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    chambres à gaz dans l’Allemagne nazie »[44]. Vous voyez qu’on ne fait pas dans la demi-mesure.
  • 00:08:36
    Et encore, ça n’est que le début. Wilson se  fera traiter de raciste et de sexiste pendant de
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    nombreuses années, il se fera huer sur les campus,  et un jour qu’il donne une conférence, plusieurs
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    membres d’un auto-proclamé « Comité international  contre le racisme » montent sur scène pour lui
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    verser un pichet d’eau sur la tête[35, 45]. Ce qui est important de noter, outre la violence
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    des attaques, c’est que les premières critiques  de la sociobiologie ne sont pas scientifiques mais
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    bien politiques. Ce qui dérange les détracteurs  de la sociobiologie, tout comme les détracteurs
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    de la psychologie évolutionnaire plus tard, ce  sont en premier lieu les conséquences politiques
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    présumées de ces recherches, comme ils  l’avouent eux-mêmes en les reliant au
  • 00:09:16
    nazisme. Ce n’est que plus tard que viendront  les critiques scientifiques, parce qu’évidemment,
  • 00:09:20
    quand vous souhaitez faire tomber une discipline  qui vous dérange pour des raisons politiques,
  • 00:09:25
    l’attaquer sur ses bases méthodologiques est  une des stratégies possibles. Et pour mieux vous
  • 00:09:29
    illustrer cette intrusion du politique dans le  scientifique, je vais m’arrêter quelques instants
  • 00:09:34
    sur deux personnages centraux dans ces polémiques,  Steven Jay Gould et Richard Lewontin.
  • 00:09:40
    Richard Lewontin, vous ne  le connaissez sûrement pas,
  • 00:09:42
    mais Steven Jay Gould vous en avez peut-être déjà  entendu parler, parce qu’il a écrit des livres de
  • 00:09:47
    vulgarisation scientifique à succès[46, 47, 48].  bc:ck:Gould1980bc:ck:Gould1989bc:ck:Gould1996Les
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    deux bonhommes sont deux esprits brillants, tous  les deux professeurs à l’université d’Harvard,
  • 00:09:55
    l’un spécialiste de paléoanthropologie  et l’autre de génétique des populations.
  • 00:10:00
    Mais en plus de leur travail scientifique,  il sont aussi très engagés en politique,
  • 00:10:04
    et auteurs de cette tribune accusant leur collègue  Edward Wilson de faire le jeu du nazisme. Et pour
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    bien comprendre la façon dont ces deux personnages  mêlaient science et politique, intéressons-nous
  • 00:10:15
    à l’article le plus célèbre qu’ils ont écrit. Gould et Lewontin sont en effet connus pour avoir
  • 00:10:29
    écrit un des articles les plus cités en biologie  de l’évolution, « Les spandrels de San Marco et le
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    paradigme panglossien : critique du programme  adaptationniste »[49]. Je vous ai déjà parlé
  • 00:10:40
    de cet article dans cette vidéo [miniature  pseudoscience], et je vais revenir un peu
  • 00:10:43
    dessus parce que c’est un article qui a pris une  importance considérable dans tous ces débats.
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    Il s’agit donc d’une critique du programme de  recherche adaptationniste, et en particulier
  • 00:10:52
    de son caractère spéculatif. Quand vous entendez  dire que les hypothèses adaptatives ne sont pas
  • 00:10:57
    testables, que les biologistes de l’évolution  passent leur temps à inventer des histoires
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    à dormir debout, qu’ils ne font que de la  spéculation, qu’ils pensent que dans la nature,
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    tout est pour le mieux dans le meilleur des  mondes, c’est cet article qui est souvent
  • 00:11:10
    cité en référence. En particulier en sciences  sociales, dès que quelqu’un veut prouver que
  • 00:11:15
    les approches évolutionnaires du comportement font  fausse route, c’est cet article qui est cité.
  • 00:11:20
    Mais vous devez savoir que dans le milieu de  la biologie de l’évolution, cet article est
  • 00:11:25
    extrêmement, extrêmement controversé. D’abord parce qu’il n’a rien apporté de
  • 00:11:29
    nouveau par rapport à ce que les chercheurs  de l’époque savaient déjà. Les biologistes
  • 00:11:33
    de l’époque connaissaient déjà les limites du  programme adaptationniste, et les dangers de
  • 00:11:38
    voir des adaptations partout. En fait, treize  ans plus tôt, un des plus grands biologistes de
  • 00:11:43
    l’évolution du XXe siècle, George Williams, avait  même publié un livre entier sur cette question,
  • 00:11:49
    un livre qui abordait la question de façon  bien plus rigoureuse que ne l’ont fait Gould
  • 00:11:53
    et Lewontin[50]Williams1966Williams1966. Et  non seulement Gould et Lewontin n’apportent
  • 00:11:56
    rien de nouveau à la question, mais en plus à  aucun moment ils ne prennent la peine de citer
  • 00:12:01
    ces travaux antérieurs, ce qui est une pratique  très anormale dans le milieu scientifique.
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    Ensuite, cet article est aussi controversé  parce que le ton général est très énervé,
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    une autre anomalie dans le monde scientifique.  Énervé, mais aussi caricatural et à la limite du
  • 00:12:16
    malhonnête, puisque Gould et Lewontin dépeignent  les biologistes de l’évolution comme des personnes
  • 00:12:21
    qui croient que « le nez a évolué pour porter des  lunettes », d’où le titre de ma vidéo sur le sujet
  • 00:12:26
    [miniature lunettes]. Ils les dépeignent aussi  comme des gens qui croient que dans la nature,
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    « tout est fait pour le mieux dans le meilleur  des mondes ». Ils n’hésitent pas non plus
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    à sélectionner les pires travaux produits par  le programme de recherche adaptationniste pour
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    les présenter comme des exemples représentatifs.  Gould lui-même reconnaîtra que cet article tire en
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    grande partie sa force de sa rhétorique plus que  de son contenu scientifique[51]. Rien que pour ce
  • 00:12:49
    contenu bizarre, je vous recommande sa lecture,  pour vous rendre compte d’à quel point ce n’est
  • 00:12:54
    pas un article comme un autre, à quel point son  contenu est différent de ce qu’on a l’habitude
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    de produire dans le milieu scientifique. Au final, parce que cet article n’hésite pas
  • 00:13:02
    à caricaturer le camp d’en face, qu’il ne cite  pas les travaux de recherche qui l’ont précédé,
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    et qu’il est en grande partie basé sur de  la rhétorique, vous comprenez pourquoi il
  • 00:13:11
    n’a pas réellement bonne réputation dans  la communauté scientifique. Vous pourrez
  • 00:13:15
    trouver des biologistes qui considèrent  qu’il a quand même eu des conséquences
  • 00:13:19
    positives en servant d’électrochoc[52, 53, 54],  c’est-à-dire en rappelant de manière forte les
  • 00:13:24
    limites du programme adaptationniste, mais sinon  l’avis de beaucoup de biologistes c’est qu’il
  • 00:13:29
    s’agit d’un article non-original sur le fond et  caricatural à la limite de la malhonnêteté sur la
  • 00:13:36
    forme[55, 56, 57, 58, 35, 59, 60]. Le biologiste Richard Alexander
  • 00:13:38
    écrit par exemple que : « [Gould et Lewontin] mettent en avant les pires
  • 00:13:43
    cas de l’adaptationnisme déjà critiqués et rejetés  en biologie de l’évolution, [tout en] ignorant les
  • 00:13:49
    meilleurs travaux. [Ils] utilisent les parties les  plus faibles du programme adaptationniste pour le
  • 00:13:54
    discréditer dans son ensemble[55]. » Le biologiste David Queller
  • 00:13:58
    fait lui remarquer que : « Bien que ce papier ait été
  • 00:14:02
    largement cité, une grande partie des citations  viennent d’articles qui expliquent pourquoi les
  • 00:14:07
    alternatives non-adaptationnistes offertes  par Gould et Lewontin n’ont pas marché,
  • 00:14:12
    et pourquoi ils ont dû revenir vers une  explication adaptationniste[61]. »
  • 00:14:17
    Quant au biologiste Gerald Borgia,  il pointe les possibles motivations
  • 00:14:21
    politiques derrière cet article : « Le biais politique reste la seule
  • 00:14:25
    explication possible pour les attaques  de Gould sur l’adaptationnisme
  • 00:14:29
    et la sociobiologie. Cette hypothèse permet  d’expliquer le ton polémique de l’article et
  • 00:14:34
    la mentalité « la-fin-justifie-les-moyens » qui  autorise les distortions, mauvaises citations,
  • 00:14:40
    auto-contradictions et hyperboles irrationnelles  caractéristiques de l’article[58]. »
  • 00:14:46
    Et c’est ici qu’on retombe sur la politique. Mais  vous vous demandez peut-être, quel est le rapport
  • 00:14:53
    entre la critique de l’adaptationnisme et la  politique ? Pourquoi dégommer les recherches
  • 00:14:59
    insistant sur l’importance de la sélection  naturelle pour expliquer les comportements
  • 00:15:03
    pourrait servir une cause politique ? L’explication, je vous en ai déjà parlé dans
  • 00:15:08
    cette vidéo [miniature pseudoscience]  ainsi que dans mon dernier livre[40],
  • 00:15:11
    c’est que quand vous insistez sur l’importance de  la sélection naturelle pour expliquer le vivant,
  • 00:15:15
    vous insistez sur le fait que la nature est en  quelque sorte « bien faite » [livre politique]. La
  • 00:15:20
    sélection naturelle tend à produire des êtres  vivants qui sont « bien faits » entre guillemets,
  • 00:15:24
    dans le sens d’adaptés à leur environnement. Or, quand vous commencez à penser que « la
  • 00:15:29
    nature est bien faite », le danger c’est  que vous commenciez aussi à penser qu’il
  • 00:15:33
    ne faut pas y toucher, et qu’en particulier  l’organisation sociale humaine ne devrait
  • 00:15:37
    pas être changée. Penser que le vivant est  le produit de la sélection naturelle et par
  • 00:15:42
    extension qu’il est bien fait ferait donc  le jeu des conservateurs [Schéma 1].
  • 00:15:48
    La sélection naturelle est aussi connectée à la  politique à cause de l’idée de progrès. Comme
  • 00:15:53
    la sélection naturelle tend à faire en sorte  que les êtres vivants soient de plus en plus
  • 00:15:56
    adaptés à leur environnement, il est courant  de reformuler ça en disant qu’elle produit du
  • 00:16:01
    progrès. Alors le terme de progrès n’est pas  vraiment apprécié en biologie de l’évolution,
  • 00:16:06
    notamment parce qu’on sait que l’évolution  peut aller dans tous les sens, dans le sens
  • 00:16:10
    de la complexification des traits comme dans  le sens de leur simplification. Le « progrès »
  • 00:16:15
    entre guillemets peut être détricôté quand  il n’est plus utile. Néanmoins, c’est bien la
  • 00:16:20
    sélecion naturelle qui nous permet d’expliquer des  merveilles d’ingéniérie comme l’oeil ou le coeur,
  • 00:16:25
    et c’est dans ce sens qu’on peut l’associer au  progrès. Et le risque quand on se met à penser ça,
  • 00:16:30
    c’est qu’on se mette en même temps à penser qu’il  faudrait laisser la nature faire son travail pour
  • 00:16:34
    permettre le progrès, ce qui mène à l’idéologie  du spencérisme qui recommandait de laisser
  • 00:16:39
    mourir les plus faibles, on a parlé de tout ça  dans la dernière vidéo [miniature gauche].
  • 00:16:43
    Vous comprenez maintenant pourquoi c’est important  pour certaines personnes de lutter contre les
  • 00:16:48
    explications du comportement qui insistent sur la  sélection naturelle. À chaque fois que vous faites
  • 00:16:53
    reculer la sélection naturelle, vous faites  reculer l’idée que la nature et l’humain en
  • 00:16:58
    particulier sont bien faits. Et vous mettez donc  un bâton dans les roues des conservateurs qui
  • 00:17:03
    voudraient que rien ne change [Schéma 2]. Allez on va se faire une petite pause de
  • 00:17:08
    mi-parcours et j’en profite pour rappeler  que vous pouvez soutenir mon travail sur
  • 00:17:12
    homofabulus.com/soutien, soit en faisant un don  directement, soit en achetant un de mes livres,
  • 00:17:19
    soit simplement en vous abonnant à ma newsletter  où je donne des news bi-annuelles et où je fais
  • 00:17:24
    régulièrement gagner des livres. Allez  rejoignez SéverineP, Emmanuel Militon
  • 00:17:29
    et les autres qui me soutiennent déjà, et Achille  Genet, regardez, il a pas l’air content d’être
  • 00:17:33
    là Achille Genet à se balader comme ça ?  Merci les loustics, et on y retourne.
  • 00:17:45
    Ce qui est marrant, c’est que si on regarde  les sujets sur lesquels Steven Jay Gould a
  • 00:17:50
    travaillé pendant sa carrière, on s’aperçoit  qu’ils ont tous un thème en commun. Je vais
  • 00:17:55
    vous en énumérer quelques-uns, et vous allez  me dire si vous arrivez à trouver ce thème.
  • 00:17:59
    Gould a par exemple été un ardent défenseur  de l’idée de contingence évolutive, l’idée
  • 00:18:04
    que des événements contingents, c’est-à-dire  qui auraient tout aussi bien pu ne pas arriver,
  • 00:18:09
    ont eu un rôle majeur au cours de l’évolution[47].  Par exemple, un astéroïde percute la Terre par
  • 00:18:15
    hasard il y a des millions d’années et paf,  plus de dinosaures, et ça laisse la place aux
  • 00:18:20
    mammifères. C’est donc le hasard qui expliquerait  que les mammifères et par extension l’espèce
  • 00:18:25
    humaine aient pu voir le jour et prospérer. Gould est aussi connu pour le concept d’équilibres
  • 00:18:31
    ponctués. Ça c’est l’idée que l’évolution  fonctionnerait par succession de longues
  • 00:18:35
    périodes pendant lesquelles les espèces  changent très peu et de périodes beaucoup
  • 00:18:40
    plus courtes pendant lesquelles elles  changent beaucoup[62]. Gould a beaucoup
  • 00:18:43
    défendu cette idée que les espèces évolueraient  de façon moins graduelle qu’on ne le pensait,
  • 00:18:47
    qu’elles connaîtraient de longues périodes stables  suivies de périodes plus courtes et chaotiques.
  • 00:18:52
    Gould a aussi ardemment défendu l’idée  de contraintes évolutives, l’idée que la
  • 00:18:57
    sélection naturelle n’est pas toute puissante et  qu’elle a les mains liées par un certain nombre de
  • 00:19:02
    contraintes historiques et développementales. Alors, qu’est-ce que toutes ces idées ont
  • 00:19:07
    en commun ? Qu’est-ce que la contingence  évolutive, les équilibres ponctués et les
  • 00:19:12
    contraintes évolutioves ont en commun ? Ce qu’elles ont en commun, c’est qu’elles
  • 00:19:17
    rabaissent toutes le rôle de la sélection  naturelle dans nos explications du vivant[55,
  • 00:19:22
    58, 61, 63, 35]. Dire que les êtres vivants sont  le résultat d’événements aléatoires qui auraient
  • 00:19:25
    tout aussi bien pu ne pas avoir lieu, dire que  l’évolution est très rapide sur des périodes
  • 00:19:30
    courtes plutôt que graduelle sur des périodes  longues, et dire que la sélection naturelle a
  • 00:19:35
    les mains liées par des contraintes évolutives,  ça revient à dire que la sélection naturelle
  • 00:19:40
    n’est pas si importante que ça au final pour nous  permettre de comprendre le vivant [Schéma 3].
  • 00:19:44
    Une fois de plus ce n’est pas moi qui le dis,  plusieurs auteurs ont remarqué que l’oeuvre
  • 00:19:48
    entière de Gould aura consisté à minimiser le  rôle de la sélection naturelle et à exagérer
  • 00:19:54
    le rôle du hasard, très probablement pour  des raisons politiques[64]. Comme l’écrit
  • 00:19:57
    la sociologue Ullica Segerstrale : « La quête continue de Gould pour
  • 00:20:02
    chercher des alternatives théoriques  au programme adaptationniste peut
  • 00:20:06
    être vue comme un long argument pour la  réforme et la justice sociale[35]. »
  • 00:20:11
    Alors attention, toutes les idées défendues  par Gould ne sont pas fausses. La contingence
  • 00:20:15
    évolutive, ça existe. Les équilibres ponctués, ça  existe. Les contraintes évolutives, ça existe. Le
  • 00:20:22
    problème c’est plutôt qu’il ait en permanence  exagéré l’importance de ces explications tout
  • 00:20:28
    en minimisant à outrance l’importance de la  sélection naturelle. Gould n’a eu de cesse
  • 00:20:33
    de prendre des idées qui étaient intéressantes  pour les exposer ensuite dans une forme radicale
  • 00:20:38
    et non nuancée, n’hésitant pas à caricaturer  au passage ceux qui s’opposaient à lui.
  • 00:20:43
    Et vous vous souvenez des citations ayant  ouvert cette vidéo ? « Un homme aux idées si
  • 00:20:48
    confuses que ce n’est pas vraiment la peine  de s’embêter avec », « [un homme qui avec
  • 00:20:52
    d’autres] déforme ostensiblement la synthèse  moderne de l’évolution telle qu’envisagée
  • 00:20:56
    par ses plus illustres représentants », etc ? Hé bien non, ces critiques ne s’adressaient pas à
  • 00:21:03
    un psychologue évolutionnaire ou un créationniste  anonyme, mais à Steven Jay Gould en personne,
  • 00:21:10
    pourtant chercheur en biologie à Harvard  et vulgarisateur à succès. Et ces critiques
  • 00:21:16
    ne proviennent pas que de personnes ayant pu  être impliquées dans des conflits personnels
  • 00:21:19
    avec Gould, certaines émanent de chercheurs  relativement neutres et extrêmement respectés
  • 00:21:24
    en biologie de l’évolution, comme le philosophe  Ernst Mayr ou le biologiste John Maynard-Smith.
  • 00:21:30
    En fait, Lewontin lui-même, le compère  de Gould et co-auteur de cet article de
  • 00:21:35
    1979 sur les spandrels, dira après  la mort de Gould que, je cite :
  • 00:21:41
    « [...] Selon moi, Gould voulait être considéré  comme un très grand et très original théoricien
  • 00:21:46
    de l’évolution. Donc il exagérait et caricaturait  certaines choses. [...] Il se bloquait sur un
  • 00:21:52
    aspect intéressant particulier du processus  évolutionnaire et le transformait en une sorte
  • 00:21:57
    de règle rigide et presque vide de sens,  parce que - et ça je dois ajouter que ce
  • 00:22:03
    n’est que mon avis - il voulait absolument  devenir un évolutionniste célèbre[65]. »
  • 00:22:09
    Ouch, ça fait mal. Cette citation de Lewontin  permet d’identifier une deuxième raison pour
  • 00:22:14
    laquelle Gould n’a pas cessé de caricaturer ses  opposants : sa personnalité. Il n’y a pas que
  • 00:22:20
    Lewontin qui a témoigné du fait que Gould  avait une personnalité assez égocentrique,
  • 00:22:25
    et qu’il aimait se donner le beau rôle,  se poser comme l’homme raisonnable,
  • 00:22:29
    celui qui ne sombre pas dans les explications  adaptationnistes faciles, celui qui constitue
  • 00:22:34
    le dernier rempart contre la mauvaise science  faisant le jeu de l’extrême-droite[63, 66]. Or,
  • 00:22:39
    il est toujours plus facile de passer pour un héro  en caricaturant la pensée de ses opposants. Gould
  • 00:22:44
    s’est construit un monde fictif en dépeignant les  biologistes comme des gens qui croient que le nez
  • 00:22:49
    a évolué pour porter des lunettes parce que  c’est plus facile d’être un héro dans un monde
  • 00:22:53
    fictif. La personnalité d’un chercheur, c’est  quelque chose dont on ne parle généralement pas,
  • 00:22:58
    parce que c’est censé ne pas avoir de pertinence  pour juger du fond de ses arguments. Mais ça
  • 00:23:03
    peut revêtir une certaine importance lorsqu’on  s’aperçoit qu’un chercheur a systématiquement,
  • 00:23:08
    tout au long de sa vie, tordu les idées des autres  et véhiculé des idées marginales sur l’évolution,
  • 00:23:14
    malgré les avertissements de nombre de ses  collègues. Voilà pourquoi je vous disais en
  • 00:23:18
    introduction qu’il est important que je vous  parle un peu du contexte des critiques de la
  • 00:23:22
    biologie du comportement, de qui étaient les  personnes derrière ces critiques, même si ça
  • 00:23:26
    a un côté un petit peu argument ad hominem. La description de Gould par ceux qui l’ont connu
  • 00:23:31
    me fait un peu penser à Didier Raoult d’ailleurs.  Un type très égocentrique, qui en a rien à battre
  • 00:23:37
    de l’avis de la communauté scientifique, qui  parle toujours de lui, qui s’invente des ennemis,
  • 00:23:42
    et qui a un avis sur tout, y compris hors de son  domaine de compétence. Ha oui parce que Gould
  • 00:23:48
    aimait bien aussi donner son avis sur des sujets  qu’il ne maîtrisait pas du tout. Par exemple,
  • 00:23:52
    en 1981 il écrit un livre intitulé « La  mal-mesure de l’homme » pour critiquer
  • 00:23:57
    les recherches génétiques sur l’intelligence. Or  Gould il y connaît rien en intelligence. C’est un
  • 00:24:02
    paléoanthropologue, il a aucune expertise  sur ce sujet. Ça n’empêchera pas ce livre
  • 00:24:08
    d’avoir un succès considérable dans les médias  et le grand public, quand dans le même temps,
  • 00:24:13
    il se faisait défoncer par tous les experts du  sujet. Je vous donne juste un exemple, l’avis du
  • 00:24:18
    psychologue Steve Blinkhorn publié dans la revue  Nature. Blinkhorn qualifie le livre de Gould de
  • 00:24:26
    « chef d’oeuvre de propagande », « dont la  discussion des théories de l’intelligence
  • 00:24:30
    s’arrête là où elle en était il y a un  demi-siècle », « n’ayant rien à dire qui
  • 00:24:35
    soit à la fois juste et pertinent », et « au  parfum familier de Radio Moscou[67]. »
  • 00:24:41
    Bon on va s’arrêter là pour Gould. J’espère que ça  ne ressemble pas trop à de l’acharnement, mais la
  • 00:24:47
    longueur de mon intervention est proportionnelle  au tort que je pense il a fait, non seulement en
  • 00:24:52
    véhiculant des idées très marginales en biologie  de l’évolution, mais surtout en faisant ça dans
  • 00:24:57
    des livres destinés au grand public. Je pense  qu’on peut distinguer différents niveaux de
  • 00:25:02
    gravité dans ses agissements. Qu’on défende des  idées marginales qui ne correspondent pas au
  • 00:25:07
    consensus dans un champ n’est de façon générale  pas trop dérangeant, c’est même quelque chose
  • 00:25:12
    considéré de façon plutôt positive en science.  Qu’on le fasse dans des livres à grand tirage
  • 00:25:16
    sans mentionner que ces idées sont marginales  est un peu plus embêtant[68]. Qu’on reprenne
  • 00:25:21
    les idées des autres sans les citer est  beaucoup plus problématique[57]. Et qu’on
  • 00:25:24
    fasse dire à ses opposants des choses qu’ils  n’ont jamais dites juste pour faire passer
  • 00:25:28
    sa propre position comme plus raisonnable est  complètement inacceptable[66]. [Schéma 3b].
  • 00:25:32
    Certains chercheurs font même carrément  porter sur Gould la responsabilité de
  • 00:25:37
    l’antipathie les approches évolutionnaires du  comportement qui existe toujours aujourd’hui
  • 00:25:41
    en sciences sociales. Les biologistes  et anthropologues Robert Boyd et Peter
  • 00:25:45
    Richerson écrivent par exemple en 2006 que : « Beaucoup de nos collègues [évolutionnistes]
  • 00:25:50
    s’indignent des polémiques mal-informées  de leurs détracteurs. Ils sont en prise
  • 00:25:55
    avec des chercheurs en sciences sociales qui ont  appris leur biologie de l’évolution des écrits
  • 00:25:59
    bien connus de Steven Jay Gould dénonçant  les "excès" adaptationnistes en biologie,
  • 00:26:05
    sans savoir que ses hypothèses alternatives ont  rencontré un faible soutien empirique[69]. »
  • 00:26:11
    Le biologiste Gerald Borgia  déplore également que
  • 00:26:14
    « l’écran de fumée rhétorique déployé par Gould  et Lewontin a empêché les avancées de la science
  • 00:26:20
    et cause encore beaucoup de confusion[58]. » Et c’est vrai que très probablement, si parmi
  • 00:26:26
    vous il y en a qui ont fait des études de sciences  sociales et qu’on vous a un peu parlé d’évolution,
  • 00:26:31
    on a dû tout de suite vous faire lire cet  article de Gould et Lewontin en le présentant
  • 00:26:35
    comme un grand classique, et peut-être même  la « voix de la raison » contre les excès du
  • 00:26:40
    champ. Alors qu’en fait c’est tout l’inverse,  il s’agit plus de « la voix de la caricature »
  • 00:26:44
    contre l’avis plus mesuré des autres biologistes  de l’évolution. Chercheurs en sciences sociales,
  • 00:26:49
    s’il vous plaît, cessez de citer Gould et Lewontin  comme si c’était des références. Si ce sont des
  • 00:26:55
    références d’une chose, c’est de la façon dont  il ne faut pas se comporter en science. Citer
  • 00:27:00
    Gould et Lewontin ne montre pas que vous avez  fait vos devoirs et que vous avez connaissance
  • 00:27:04
    des derniers travaux en biologie de l’évolution.  Ça montre juste que vous avez pris le premier
  • 00:27:08
    papier trouvé sans chercher à creuser un peu.  Désolé à tous ceux qui sont fans de Gould et qui,
  • 00:27:14
    comme le disent Boyd et Richerson, ont  appris tout ce qu’ils savent en biologie
  • 00:27:18
    de l’évolution de lui, mais si c’est le cas,  vous pouvez quasiment repartir de zéro si vous
  • 00:27:23
    souhaitez vous faire une image représentative  des recherches en biologie de l’évolution.
  • 00:27:37
    Passons maintenant à Richard Lewontin, autre  grand critique de la sociobiologie. Lewontin,
  • 00:27:43
    c’est un oiseau un peu différent. Scientifique  brillant, un des meilleurs généticiens des
  • 00:27:48
    populations de sa génération. D’ailleurs, pour  la petite histoire, c’est le fondateur de la
  • 00:27:53
    sociobiologie Edward Wilson ck:Wilson1975lui-même  qui avait fait venir Richard Lewontin à Harvard,
  • 00:27:58
    tout simplement parce que c’était le meilleur  dans ce domaine. Lewontin devait déjà avoir
  • 00:28:03
    une petite réputation à l’époque, au début des  années 70, parce que Wilson avait pris soin de
  • 00:28:08
    téléphoner à son employeur, l’université de  Chicago, pour s’assurer qu’il saurait séparer
  • 00:28:13
    la science et la politique dans son travail de  chercheur. L’université de Chicago avait répondu
  • 00:28:19
    « oui oui bien sûr », mais quelques mois plus  tard, Lewontin accusait l’homme qui l’avait
  • 00:28:27
    fait venir à Harvard de faire de la science nazie  avec la sociobiologie. Dans une interview donnée
  • 00:28:33
    plusieurs années plus tard, Wilson s’exclamera  en rigolant « je me suis bien fait avoir ! », en
  • 00:28:40
    supposant que l’université de Chicago devait avoir  été contente de se débarrasser du bonhomme[35].
  • 00:28:45
    Mais bref, fin de la petite parenthèse  amusante. Revenons aux attaques de Lewontin
  • 00:28:50
    sur la sociobiologie. Lewontin est coupable des  mêmes méfaits que Gould, n’ayant par exemple pas
  • 00:28:56
    de problème pour caricaturer de façon extrême ceux  qui n’avaient pas les mêmes opinions que lui. Il
  • 00:29:01
    aimait faire passer les pires productions de la  sociobiologie pour des exemples représentatifs,
  • 00:29:06
    et quand il mettait le doigt sur un véritable  point faible du champ, plutôt que d’en conclure
  • 00:29:11
    qu’il fallait améliorer ce point, il en  concluait qu’il fallait tout mettre à la
  • 00:29:16
    poubelle[55]. Ce manque de nuance dans l’analyse  rappelle d’ailleurs nos philosophes des sciences
  • 00:29:21
    tout à l’heure, qui n’hésitaient pas à conclure  sur la base d’une critique très superficielle
  • 00:29:26
    que la psychologie évolutionnaire  était « profondément défectueuse ».
  • 00:29:30
    Mais Lewontin présente une particularité par  rapport à Gould, c’est qu’il n’a jamais eu de
  • 00:29:35
    problème pour reconnaître que sa science était  guidée par ses opinions politiques. En général,
  • 00:29:41
    les scientifiques sont pas très contents quand  on les accuse de laisser leur idéologie déteindre
  • 00:29:47
    sur leur travail scientifique - d’ailleurs,  Gould lui-même s’en est défendu toute sa vie,
  • 00:29:52
    et n’aimait pas qu’on lui dise que sa critique de  la sociobiologie était politiquement motivée[70,
  • 00:29:56
    35]. Mais Lewontin, lui, est au contraire  célèbre pour avoir écrit des phrases comme :
  • 00:30:02
    « en tant que scientifique travaillant en  génétique évolutionnaire et en écologie,
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    j’ai essayé avec un certain succès de  guider ma recherche par une application
  • 00:30:11
    consciente de la philosophie marxiste[71]. » Non vous ne rêvez pas, cette phrase a bien été
  • 00:30:20
    écrite dans un livre tout ce qu’il y a de plus  sérieux. Si elle vous paraît hallucinante,
  • 00:30:25
    c’est que vous n’avez pas encore bien cerné  qui était le personnage. Alors il est certain
  • 00:30:29
    qu’on pourrait être charitable et se dire  qu’en fonction de ce qu’il a voulu dire
  • 00:30:32
    exactement par « philosophie marxiste », cette  affirmation peut être plus ou moins choquante.
  • 00:30:37
    Comme je le raconte dans mon dernier livre[40]  [livre politique], il serait même possible de
  • 00:30:40
    défendre l’innocuité d’un programme de recherche  de science marxiste tant que ça n’impliquerait que
  • 00:30:46
    l’adoption d’un ensemble d’hypothèses pouvant être  rejetées à n’importe quel moment, et simplement
  • 00:30:52
    inspirées des travaux de Marx. Néanmoins, il est  toujours plus difficile de rejeter des hypothèses
  • 00:30:56
    lorsqu’elles s’enracinent dans des considérations  politiques, et on peut a minima s’interroger sur
  • 00:31:02
    la pertinence de ramener du vocabulaire  politique dans un contexte scientifique,
  • 00:31:07
    comme si on ne disposait pas d’assez de mots  plus neutres pour exprimer les mêmes idées.
  • 00:31:11
    Je vous fournis une autre citation  de Lewontin qui permet d’encore
  • 00:31:15
    mieux appréhender sa pensée. Lewontin  écrit avec deux collègues en 1984 que :
  • 00:31:20
    « Je crois que la fonction sociale de  la plupart de la science d’aujourd’hui
  • 00:31:21
    est de freiner la création [d’une société plus  juste] en préservant les intérêts de la classe,
  • 00:31:21
    du genre, et de la race dominante[72]. » « La fonction sociale de la plupart de la
  • 00:31:23
    science d’aujourd’hui est de freiner la  création d’une société plus juste. »
  • 00:31:40
    Voilà une vision bien particulière de la science.  Mais elle vous permet de mieux comprendre
  • 00:31:44
    l’extrême hostilité du bonhomme pour des sciences  comme la sociobiologie. Quand vous croyez que la
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    science sert avant tout les intérêts du pouvoir  en place et a pour fonction de freiner le progrès
  • 00:31:55
    social, il est normal que les sciences qui font  des affirmations sur ce qui est ou n’est pas
  • 00:32:00
    dans la nature humaine soient accueillies avec le  même enthousiasme qu’un email urgent un vendredi
  • 00:32:06
    à 17h45. Vous remarquerez au passage la cocasserie  de penser que la science puisse avoir une certaine
  • 00:32:12
    fonction cachée, alors que Lewontin a passé sa  vie à reprocher aux biologistes adaptationnistes
  • 00:32:18
    de voir des fonctions spéculatives partout. Je vais prendre un exemple concret pour illustrer
  • 00:32:23
    un peu mieux à quel point Lewontin est  imprégné de cette idée que la science
  • 00:32:27
    est au service des puissants. Dans un de ses  livres, bc:Levins1985Lewontin défend l’idée que
  • 00:32:31
    la théorie de l’évolution telle qu’elle a été  construite au XIXe siècle puis raffinée au XXe
  • 00:32:37
    a été à chaque fois le reflet des préoccupations  bourgeoises de son époque[71]. Selon lui, dans un
  • 00:32:44
    premier temps les bourgeois du XVIIIe et du XIXe  siècle avaient besoin d’une théorie basée sur le
  • 00:32:50
    changement et le progrès graduel pour pouvoir  justifier leur enrichissement et leur montée
  • 00:32:55
    dans la société. Ça aurait conduit, toujours  selon Lewontin, à la théorie de l’évolution
  • 00:33:00
    telle qu’envisagée par Darwin, qui insiste sur le  changement graduel. L’idéologie bourgeoise du XIXe
  • 00:33:06
    siècle aurait donc influencé le contenu même de  la théorie de l’évolution. Je cite Lewontin :
  • 00:33:13
    « la théorie de Darwin de l’évolution  de la vie organique était l’expression
  • 00:33:17
    des mêmes éléments idéologiques[71]. » Mais dans un second temps, une fois le XXe
  • 00:33:24
    siècle arrivé, les bourgeois se seraient rendu  compte que le changement allait trop loin,
  • 00:33:29
    parce que les masses ouvrières commençaient  elles aussi à vouloir plus de droits et leur
  • 00:33:33
    part du gâteau économique. L’idéologie  bourgeoise serait donc passée de la
  • 00:33:38
    glorification du changement graduel à la louange  de l’équilibre et de la stabilité [Schéma 4].
  • 00:33:43
    Or, vous savez ce qui s’est passé en biologie  de l’évolution au XXe siècle ? On s’est aussi
  • 00:33:48
    mis à insister sur les concepts de stabilité et  d’équilibre, avec notamment le développement de
  • 00:33:53
    la théorie des jeux et la recherche de ce  qu’on appelle des stratégies évolutivement
  • 00:33:58
    stables, des stratégies évolutives qui  ne peuvent pas se faire envahir par des
  • 00:34:02
    mutants. Pour Lewontin, c’était tout sauf une  coïncidence. Comme il le dit lui-même :
  • 00:34:08
    « L’idéologie de l’équilibre et de la  stabilité dynamique caractérise la théorie
  • 00:34:13
    évolutionnaire moderne autant que l’économie  bourgeoise et la théorie politique[71]. »
  • 00:34:19
    Donc vous voyez que dans son esprit, la collusion  de la science et du politique va très loin.
  • 00:34:25
    Attention, de mon côté je suis pas en train de  dire qu’il n’y a aucune connexion entre science
  • 00:34:29
    et politique. Les scientifiques sont des humains,  avec des idées politiques comme tout être humain,
  • 00:34:35
    et il est probable que des considérations  politiques influencent certains de leurs choix,
  • 00:34:41
    ne serait-ce que les sujets qu’ils étudient.  Je vous ai fait un rapide résumé de ces débats
  • 00:34:45
    dans mon dernier livre[40] [livre politique].  Mais avec Lewontin, on va bien au-delà de ces
  • 00:34:49
    idées banales. Quand vous commencez à penser  que les concepts d’équilibre et de stabilité
  • 00:34:55
    en science sont le reflet de la quête  bourgeoise pour plus de stabilité sociale,
  • 00:35:00
    on n’est plus dans l’affirmation banale  que science et politique ne peuvent jamais
  • 00:35:04
    être complètement séparées. Dans le monde de  Lewontin, la politique est absolument partout
  • 00:35:10
    et influence profondément le contenu lui-même de  la science, le contenu des théories scientifiques,
  • 00:35:16
    pas seulement les choix des sujets  d’étude. Pour vous donner un autre exemple,
  • 00:35:20
    dans le même livre, il propose que si la  science d’aujourd’hui est réductionniste,
  • 00:35:26
    c’est-à-dire qu’elle a l’habitude de décomposer  un système en ses différentes parties plutôt que
  • 00:35:32
    de le considérer dans son ensemble, c’est parce  que dans le mode de pensée bourgeois on analyse
  • 00:35:38
    toujours la société comme un agrégat d’actions  individuelles, l’individu étant toujours vu comme
  • 00:35:44
    l’acteur central responsable de ses actions.  Pour Lewontin, la science décompose, atomise
  • 00:35:50
    et individualise parce que l’idéologie libérale  décompose, atomise et individualise [Schéma 5].
  • 00:36:02
    Le 3 novembre 1975, Lewontin prononce  dans une interview une phrase qui pour
  • 00:36:08
    moi résume à merveille la pensée de beaucoup de  détracteurs de la biologie du comportement :
  • 00:36:14
    « Pour l’instant, notre ignorance sur  ces sujets est tellement grande, nos
  • 00:36:18
    techniques d’investigation tellement primitives et  fragiles, nos concepts théoriques si mal informés,
  • 00:36:24
    qu’il est inimaginable pour moi que des vérités  sérieuses et durables sur la nature humaine
  • 00:36:29
    soient atteignables. D’un autre côté, le besoin  pour les socialement puissants d’exonérer leurs
  • 00:36:35
    institutions de responsabilité pour les problèmes  qu’ils ont créés est extrêmement fort. Dans ces
  • 00:36:41
    conditions, n’importe quelle recherche sur le  contrôle génétique des comportements humains
  • 00:36:45
    produira fatalement une pseudoscience qui  sera inévitablement mal utilisée[73]. »
  • 00:36:52
    Voilà le coeur du problème, voilà le raisonnement  au cœur de la pensée des détracteurs de la
  • 00:36:57
    biologie du comportement. Premièrement, nos  sciences ne sont pas assez matures pour étudier
  • 00:37:02
    ces sujets. Deuxièmement, les bourgeois ont  besoin de se déresponsabiliser. Conclusion,
  • 00:37:08
    si ces recherches existent c’est  nécessairement qu’elles ont pour
  • 00:37:11
    but de déresponsabiliser les bourgeois. Vous devez maintenant un peu mieux comprendre
  • 00:37:15
    pourquoi j’ose affirmer que les critiques de  la psycho évo sont avant tout des critiques
  • 00:37:21
    politiques, des critiques politiques qui  font semblant d’être préoccupées par la
  • 00:37:25
    rigueur scientifique. Ce n’est pas que je  cherche à dénigrer ces critiques facilement,
  • 00:37:29
    c’est parce que les détracteurs eux-mêmes de cette  science reconnaissent qu’il est impossible de
  • 00:37:34
    séparer l’évaluation de la rigueur d’une science  et l’évaluation de sa dangerosité sociale.
  • 00:37:41
    Selon eux, si une science est pratiquée alors  qu’elle est de mauvaise qualité, c’est qu’elle
  • 00:37:46
    est pratiquée pour des raisons politiques. Pourtant, chacune des prémisses du raisonnement
  • 00:37:51
    de Lewontin est évidemment très discutable.  D’abord ça ne représente que son avis très
  • 00:37:56
    personnel que nos sciences ne sont pas assez  matures pour étudier ces sujets. Et puis c’est un
  • 00:38:00
    argument bizarre parce que ça n’a jamais empêché  de faire de la science de ne pas avoir tous les
  • 00:38:05
    outils nécessaires pour étudier un sujet. La  science fait avec les moyens de son époque,
  • 00:38:10
    ses résultats sont raffinés au cours du temps,  et il vaut mieux allumer une chandelle que de
  • 00:38:14
    maudire l’obscurité. Ce que dit Lewontin c’est un  peu comme si on avait reproché à Galilée d’essayer
  • 00:38:19
    de comprendre l’univers alors qu’il n’avait  pas de télescope suffisamment puissant. S’il
  • 00:38:24
    fallait le suivre sur ce point, on n’aurait  jamais commencé à faire de la science.
  • 00:38:29
    Ensuite, si Lewontin était réellement préoccupé  par la maturité de nos sciences, il aurait dû
  • 00:38:34
    altérer son jugement au fur et à mesure de  leur perfectionnement au cours du XXe siècle,
  • 00:38:39
    et en particulier au fur et à mesure de l’afflux  de découvertes empiriques. Or, malgré le succès
  • 00:38:45
    empirique de ces approches dont on parlait tout à  l’heure, jusqu’à sa mort Lewontin refusera de se
  • 00:38:50
    remettre en question et continuera à considérer  ces sciences comme des pseudosciences. C’est ce
  • 00:38:55
    genre de cécité aux données et d’incapacité à se  remettre en question qui poussera le philosophe
  • 00:39:00
    Harmon Holcomb à écrire en 1996 que : « Aujourd’hui, les données sont bien plus
  • 00:39:06
    nombreuses que dans les années 70, et pourtant les  accusations de spéculation continuent, [...] ce
  • 00:39:12
    qui suggère que l’accusation ne se préoccupe  pas réellement de niveau de preuve[74]. »
  • 00:39:18
    Ce qui est entièrement mon avis aussi.  L’accusation ne se préoccupe pas
  • 00:39:22
    réellement de niveau de preuve. La deuxième prémisse de Lewontin,
  • 00:39:27
    que la science ne sert que les intérêts des  puissants ayant besoin de se déresponsabiliser,
  • 00:39:32
    est évidemment tout aussi discutable.  C’est une prémisse bien sûr tout droit
  • 00:39:37
    tirée de l’idéologie marxiste, ou tout du moins  d’une certaine branche de l’idéologie marxiste,
  • 00:39:42
    mais même si on mettait cette origine de côté,  si on se concentrait sur la question d’« À qui
  • 00:39:47
    profitent ces recherches », on aurait énormément  de mal à répondre. C’était tout le sujet de ma
  • 00:39:52
    dernière vidéo [miniature gauche] et de mon  livre qui tire son titre précisément de cette
  • 00:39:57
    pensée Lewontinienne[40] [livre politique]. On  est de nouveau confrontés à cette branche de la
  • 00:40:01
    gauche qui est convaincue que certaines recherches  sont intrinsèquement dangereuses pour le progrès
  • 00:40:06
    social, alors que c’est extrêmement discutable. Je vais revenir sur la difficulté d’évaluer les
  • 00:40:11
    conséquences des recherches dans deux secondes,  mais d’abord terminons en avec Lewontin. Je
  • 00:40:17
    voudrais vous raconter encore une anecdote pour  achever de vous faire comprendre le personnage,
  • 00:40:24
    une anecdote sur laquelle vous pourrez vous  faire votre propre avis, si vous avez lu bc:Le
  • 00:40:29
    gène égoïste, le best-seller de Richard Dawkins  qui présente la vision de l’évolution centrée
  • 00:40:36
    sur le gène[75]. Et si vous ne l’avez pas lu,  qu’attendez-vous pour le faire, arrêtez tout
  • 00:40:41
    de suite cette vidéo pourrie et rendez-vous sur  mon site web pour l’acheter. Ma question pour
  • 00:40:45
    ceux qui l’ont lu, c’est : qu’avez-vous pensé de  ce livre ? En toute honnêteté ? Si vous n’aviez
  • 00:40:52
    jamais entendu parler de ces sujets, votre avis  doit se situer quelque part entre intéressant et
  • 00:40:57
    absolument passionnant. On peut certes  toujours trouver au livre quelques défauts,
  • 00:41:01
    notamment d’avoir une vision un peu naïve  de l’évolution culturelle, et on a bien
  • 00:41:05
    sûr progressé depuis les années 70, mais de façon  générale c’est un très bon livre, qui a toujours
  • 00:41:11
    très bonne réputation chez les biologistes de  l’évolution, même 50 ans après sa publication.
  • 00:41:16
    Mais pour Lewontin, la lecture de ce livre a  été un calvaire. Selon les dires d’un de ses
  • 00:41:21
    collègues, il se serait même arrêté au bout de  quelques pages[35]. Parce qu’évidemment, vous
  • 00:41:26
    imaginez bien que pour quelqu’un qui pense que de  la politique se cache partout dans les théories
  • 00:41:31
    scientifiques, l’idée que nous pourrions être  manipulés par des gènes égoïstes est extrêmement
  • 00:41:36
    terrifiante. Vous imaginez bien que pour quelqu’un  qui cherche à mettre en place des sociétés plus
  • 00:41:41
    justes et solidaires, l’idée d’un gène égoïste  est abjecte. Vous imaginez bien que pour quelqu’un
  • 00:41:47
    qui pense que la science est au service des  bourgeois, l’idée du gène égoïste, qui semble
  • 00:41:52
    aller dans le sens de l’individualisme et de la  maximisation des profits, est très problématique.
  • 00:41:57
    Lewontin ne manquera donc pas de faire savoir  ce qu’il pense de ce livre en écrivant en 1977
  • 00:42:02
    dans Nature une revue dévastatrice où il qualifie  Le gène égoïste de « caricature du darwinisme »,
  • 00:42:10
    affirmant au passage que pour lui, . « ce n’était pas clair s’il relevait de la
  • 00:42:16
    science ou du badinage intellectuel[76]. » Rigolotes les insultes de scientifiques,
  • 00:42:21
    non ? Mais attention l’histoire ne s’arrête  pas là. Ces propos de Lewontin sont jugés
  • 00:42:27
    comme tellement à côté de la plaque par d’autres  biologistes que le renommé William Hamilton
  • 00:42:32
    décide de prendre la plume pour défendre  Dawkins. Dans le numéro suivant de Nature,
  • 00:42:36
    Hamilton qualifie la revue de Lewontin de  « honte » (« disgrace »), et je cite,
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